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Il y a trois ans, Luz faisait sa catharsis, dans l’album du même nom, après 
la tragédie du massacre de Charlie hebdo dont il avait échappé de peu, 
et avant de quitter le journal quelques mois plus tard. Il y revient cette fois 
(dans cet album et, littéralement, cette semaine dans un cahier spécial de l’hebdo) pour évoquer 
ses souvenirs de vingt-cinq ans d’engagement, d’insouciance et de fous-rires, à travers 
diverses séquences, nés d’un cauchemar suivi d’une nuit d’insomnie. 
D’entrée, tel un spectre aveugle, puis muet, le voilà projeté au milieu de la rédaction, un jour de bouclage. 
Personne ne semble le capter mais tout le monde attend ses dessins. Le réveil, et le retour au réel, est d’autant plus dur
Mais, en allant prendre une bière dans le réfrigérateur, au milieu de la nuit, les souvenirs affluent. 
Le premier contact, presque trop beau pour être vrai, du jeune Reynald Luzier monté à Paris depuis Tours 
avec quelques croquis, qui n’arrive pas à trouver l’imprimerie du Canard enchaîné… mais croise dans la rue 
Cabu, qui va l’emmener à la Grosse Bertha (le prédécesseur du deuxième Charlie hebdo
où toute la bande s’est formée, en 1991, dans la critique rigolarde de la Guerre du Golfe). 
Premier dessin publié et début d’une riche et longue histoire partagée !




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Il y aura ensuite les rencontres avec les amis, Charb (et leur hilarante découverte de 
leur amour partagé pour les Simpson), Tignous (et les déboires de son dessin sur tablette numérique), 
Gébé, Catherine Meurisse (et son stress pour son premier dessin de couv’). Luz se rappelle 
et raconte aussi, avec beaucoup d’humour, un reportage en banlieue où il s’en sort grâce au nom de Cabu (connu par son passage à Récré A2), 
une visite de pénitencier aux Etats-Unis, une tournée en Bosnie en guerre avec le chanteur Renaud
une infiltration au RPR qui lui fera perdre sa longue chevelure ( comme d'Autre's )
un passage au festival d’Angoulême avec son journal éphémère Chien méchant
ou un reportage dans une soirée sado-maso où l’entraîne son amoureuse Camille Emmanuelle
 Parmi les anecdotes les plus savoureuses, on notera encore cette dédicace particulièrement improbable 
lors d’une fête de l’Huma bien arrosée, sur la bite d’un militant communiste… au stand du PCF de Picardie !




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Catharsis visait à exprimer et d’expulser l’horreur de l’événement inimaginable et tragique qui l’avait frappé. 
Ô vous frères humains, l’album suivant de Luz, cherchait encore à comprendre les racines du mal
de l’antisémitisme. Cette fois, ces souvenirs “indélébiles” décrivent la banalité (relative) de la vie 
d’un dessinateur de presse. Comme une façon de se réappropier son passé, de retrouver la normalité de l’existence 
qui n’aurait jamais dû changer. Et Luz décrit cela dans une approche apaisée, drôle, sensible et emplie d’autodérision
Techniquement et graphiquement, Luz fait joliment le lien entre présent et passé entre le trait lâché de la plume et l’aquarelle
comme dans Catharsis et le trait familier et caractéristique de ses dessins au feutre de Charlie
C’est d’ailleurs de cette dimension besogneuse de l’artisan-artiste du pinceau que vient l’explication du titre: 
"Indélébiles", comme les tâches d’encre toujours présentes, jadis sur les doigts de l’auteur
Mais aussi, bien sûr ces petits moments vécus et restitués comme autant de traces marquantes 
(et, aussi, une proximité vocale avec “débile” qui permet de relativiser l’importance de tout ça). 
Pour les vieux lecteurs de Charlie hebdo ( oui et Alors ? ), cet album fonctionnera comme une madeleine de Proust
faisant aussi remonter des souvenirs de lecture de l’hebdo
Indélébiles s’apparente également à une forme de “making-of” du boulot de dessinateur, 
saisi dans toutes les dimensions de son travail. Il est aussi un bel hommage à toute la bande
croquée avec tout le talent de caricaturiste que l’on reconnaît à Luz
Et parmi eux, à la figure tutélaire de Cabu, qui l’accompagne depuis le tout premier jour parisien, 
qui essaie de lui apprendre à dessiner dans sa poche ou parvient, seul de l’équipe, 
à dessiner Pierre Arditi. Un hommage particulièrement présent dans le premier et le dernier chapitre du livre. 
La rencontre avec Cabu, donc, et puis cette magnifique idée d’imaginer, pour conclure, 
le traitement de la mort de Johnny Hallyday par l’équipe au complet de Charlie hebdo 
(même avec Gébé et Cavanna); cette défunte idole nationale que Cabu ne supportait pas
Belle manière de conclure, en faisant s’effacer progressivement les personnages, 
avec la prise de conscience que tout cela n’était qu’un rêve.
 
Le Charlie hebdo rêvé de Luz
Un nouveau grand album.




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