Fort de son onzième album solo, “
Carry Fire”,
Robert Plant continue sereinement de regarder devant lui
et de s’inventer des lendemains qui chantent.
C’était en 2004. Nonesuch, label cinquantenaire synonyme d’excellence et de diversité, venait de publier
“Far From Enough” du contrebassiste Viktor Krauss, mélange subtil de jazz, de country et de bluegrass.
Bill Frisell et Steve Jordan étaient de la partie, mais aussi la petite sœur de Viktor, Alison, venue chanter
une reprise "Big Log" de Robert Plant. Trois ans plus tard, le chanteur à la voix d’or enregistrait avec
Alison Krauss le merveilleux “Raising Sand”, ouvrant ainsi sa plus belle parenthèse artistique post-Led Zeppelin.
Puis, en 2014, il devenait à son tour un Nonesuch recording artist en publiant “Lullaby And… The Ceaseless Roar”,
accompagné par ses Sensational Space Shifters : Justin Adams et Liam “Skin” Tyson (guitares, pedal steel, dobro, oud…)
John Baggott (claviers, piano, Moog, bendir, percussions…), Billy Fuller (basse, claviers, programmation)
et Dave Smith (batterie, djembe), qu’on retrouve au grand complet sur “Carry Fire”.
Ce superbe ensemble est rejoint sur quelques titres par le batteur Richard Ashton,
le violoniste Seth Lakeman et le violoncelliste Redi Hasa.
Sans oublier la voix et l’âme des Pretenders, Chrissie Hynde, venue avantageusement duettiser
sur "Bluebirds Over The Moutain", dont vous connaissiez peut-être les versions jadis gravées par Richie Valens ou les Beach Boys.
Avec “Carry Fire”,
Robert Plant nous prouve qu’une rock star
des seventies peut assumer ses rides
et vieillir dignement, si près, si loin de l’ombre d’un dirigeable géant que personne ne semble
vouloir se résoudre à oublier, si ce n’est lui peut-être…
Sur la belle photo qui illustre la pochette du disque, il semble scruter de son regard noir des horizons lointains,
là où d’autres musiques s’inventent, entre échos du passé et lendemains qui chantent.
“
Carry Fire” est album dont la tonalité d’ensemble est plutôt
sombre, mais les rais lumières qui le traversent
en font un recueil riche en contrastes, dont la mélancolie prégnante ne peut laisser de marbre, ni de nougat.
Naguère, Robert Plant chantait en donnant l’impression de flotter au dessus des nuages.
Aujourd’hui, sa voix est descendue, forcément, mais elle s’est nuancée, toujours hypnotique, mais volontiers cajoleuse.
De ci de là, tout de même, quelques montées dans les hautes sphères qui nous renvoient forcément
quelque part entre le Cachemire, le Désert de l’Atlas et le Pays de Galles…
Et il faut bien l’avouer : dès les premières mesures de "The May Queen",
on ne peut pas s’empêcher de songer à Led Zeppelin .
Une tournée mondiale de Plant est annoncée pour 2018 : ce n’est donc pas l’année du cinquantenaire
du défunt groupe que les éternels espoirs de reformation devraient être comblés. Sorry Jimmy…
Mais si
le fantôme de Led Zeppelin surgit au détour d’une arabesque vocale ou d’un riff minéral,
il ne plombe pas l’atmosphère. “Carry Fire” porte fièrement le sceau de ce folklore imaginaire
et sans frontières qui est la marque de fabrique de Robert Plant. « I am a traveler of both time and space »,
chantait-il en 1975. Quarante-deux ans plus tard, le voyage n’est toujours pas terminé,
et “Carry Fire”, album addictif qui ne révèle ses beautés claires-obscures qu’à ceux
qui savent prendre leur temps, est un nouveau chapitre essentiel dans la carrière de ce rockeur exemplaire.
"Carving Up The World Again… A Wall And Not A Fenceé" est-elle une protest song ?
Une charge anti-Trump à peine déguisée ?
On aimerait lui demander. Robert, si tu ne lit… .