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Personne de moins de 40 ans ne connaît plus Kevin Coyne. C’est comme ça… Même à la Fnac, il a perdu son petit intercalaire en plastique avec son nom dessus ; 
il n’est même pas dans les « divers C » et les vendeurs ne connaissent plus son nom… ! 
Kevin Coyne est mort le 2 décembre 2004. Il avait 60 ans. Douze ans (déjà !) après son départ, on veut croire que son passage ici-bas 
aura laissé une empreinte durable, même si l’on peut craindre non sans raison que son immense talent ne rayonne 
aujourd’hui que dans le cercle assez fermé de ses inconditionnels. Jusqu’à la fin, Coyne se sera consumé au service d’un art 
qu’on pourrait qualifier de blues tant la brûlure qu’il transmettait semblait la jumelle de la douleur qui hantait cette musique des origines. 
La question est, évidemment, pourquoi ? Nick Drake ou Tim Buckley et des dizaines d’autres artistes cultes auraient le même âge 
(bientôt 60 ans) que ce bon vieux Kevin Coyne et ils ont un public. Alors ? Des réponses ?



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Pas vraiment, mais peut-être des arguments pour convaincre certains: quand j’ai entendu pour la première fois de l’Anti Folk et Jeffrey Lewis 
en particulier, je me suis immédiatement dit : Kevin Coyne fait de l’AntiFolk sans le savoir depuis 30 ans ! 
Essayez de vous procurer son album Marjory Razorblade (1973) et écoutez "Karate King" ou "Good Boy" : c’est la même folie créative, 
les lyrics délirants, l’énergie et l’attitude destroy malgré les guitares acoustiques. Kevin Coyne est un artiste aux talents multiples : tout à la fois musicien, écrivain et peintre
Son refus de toute compromission face aux clichés du showbizness, de la gloire et de l'argent ont fait de lui un éternel outsider. 
Un rôle que Coyne accepte et apprécie. Il y trouve la liberté nécessaire à l'expression de sa créativité, hors des chaînes de la logique commerciale 
(mais il n'aurait rien contre un Numéro Un dans les charts…) Kevin Coyne est né à Derby, dans le nord de l'Angleterre en janvier 1944
Il a suivit des études d'Art de 1961 à 1965. avant d'être employé dans un hôpital comme travailleur social où l’une de ses tâches 
consistait à s’occuper de malades affectés de troubles psychiatriques
Fin 68, il s'installe à Londres et s'occupe d'aide aux drogués. Cette expérience de contact au quotidien avec les "désaxés" 
nourrira ses premières chansons (en particulier son premier album solo, l'incroyable "Case History") 
et reste aujourd'hui encore une source d'inspiration. On imagine déjà que nous ne sommes pas en présence d’un artiste léger
Amateurs de sucreries sirupeuses, Kevin Coyne n'est pas pour vous, passez votre chemin et rallumez la télévision.



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De 1969 à 1971, Coyne est chanteur dans Siren, un des derniers groupes de British blues à la façon de John Mayall, Eric Clapton ou Fletwood Mac 
(l'original pas le groupe de variété de la fin des années 70). Le groupe sortira deux albums chez Dandelion Records, le label de John Peel – 
un irréductible fan de Coyne – mais sans rencontrer le succès. Coyne est tout de même assez remarqué pour que, à la mort de Jim Morrison
Elektra Records lui propose de prendre sa place dans les Doors! Et Coyne refuse : "Je n'avais pas envie de porter des pantalons en cuir…". 
En 1973, jeune et idéaliste, Coyne est le deuxième artiste signé chez Virgin, le tout nouveau label de Richard Branson 
(le premier était Michael Oldfield et, là encore, Coyne refuse de chanter sur les bandes instrumentales de "Tubular Bells", 
prouvant que le succès, s'il doit aller contre sa propre direction artistique, lui est indifférent). Après l’expérience du groupe Siren dont il était le chanteur, 
Kevin Coyne se présentera seul avec sa guitare en 1972 pour publier le disque Case History puis, dès l’année suivante, le bouleversant Majory Razorblade
un double album qui va l’installer durablement comme une sorte d’ovni musical. Car pour avoir eu la chance de dénicher cette perle rare (une de plus), 
je peux ici témoigner du caractère totalement atypique du personnage : ours mal peigné ( vous dites ? ), gros buveur
guitariste dont la technique loin d’être académique consistait autant à boxer son instrument qu’à en faire sonner les cordes, 
chanteur qui était tout sauf un vocaliste charmeur mais plutôt un écorché vif, Kevin Coyne était un cas artistique vraiment pas comme les autres. 
Être habité ( pardon ), hors du commun, véritable bluesman dont chaque note jouée, chaque parole chantée semblait pour lui être l’ultime, 
il brûlait d’une douleur contagieuse qui trouvait certainement ses racines dans les souffrances qu’il avait côtoyées 
pendant de longues années et qu'on voulait partager, en imaginant que, peut-être, nous l'aiderions un peu à se sentir plus léger.



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Cette période des années 70 aura été rien moins que somptueuse. Un disque monumental, Blame It On The Night, verra le jour en 1974
Une sorte de coup parfait dans ses imperfections rageuses, son énergie existentielle un peu désespérée. Un album essentiel, qui évoque dans sa noirceur électrifiée 
(écoutez "River Of Sin", par exemple) le Time Fades Away de Neil Young, un autre artiste dont les imperfections font tout le génie. 
Un brûlot qu’on n’en finit pas d’écouter pour le découvrir à chaque fois. Citons aussi "Matching Head And Feet", "Heartburn", "Millionnaires And Teddy Bears", et bien d’autres encore. 
Il y a chez Kevin Coyne une totale singularité : c’est presque naturellement qu’on recevra comme une évidence sa rencontre avec un autre grand personnage, 
tout aussi atypique et génial : Robert Wyatt. Tous deux se retrouveront sur la seconde face de l’album Sanity Stomp en 1980. Et que dire de l'urgence qui continue de hanter "Pointing The Finger" (1981), album lorgnant parfois vers un hard rock sulfureux ("As I Recall") ?
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Pendant les huit années suivantes, Kevin Coyne sortira onze albums pour Virgin. "Marjory Razorblade" reste le plus connu, 
qui l'installe comme un acteur majeur de la scène folk-rock anglaise et lui ouvre des publics gigantesques 
tel celui du festival de Hyde Park en 1974 (50 000 personnes). "Dynamite Daze" en 1978 où Coyne acceuille avec entousiasme la rebellion des punks 
ou "Millionaires and Tedy Bears" et sa cinglante attaque des richissimes patrons de Virgin lui attirent un public d'afficionados fanatiques 
mais l'éloigne à jamais du Top Ten… Les tensions avec Virgin augmentent : "Marjory Razorblade" se vend à 25 000 exemplaires, 
"Millionaires and Tedy Bears" à 35 000 et Kevin ne voit pas d'argent lui revenir… Il enregistre avec Andy Summers (avant qu'il ne rejoigne Police), 
Zoot Money, Carla Bley (pour l'album "Silence"), Brian Godding (exceptionnel guitariste) ou Dagmar Krause (de Henri Cow). 
Ces années hyper-créatives où Coyne va du folk de ses débuts au rock plus dur en passant par l'avant-garde tout en gardant sa personnalité, 
où il crée des pièces de théâtre ("Babble", "England, England"), des films, où il tourne intensément en Europe, 
aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, tout cela ajouté aux conflits avec Virgin, finissent par se retourner contre lui. 
Kevin fait une dépression nerveuse en 1981, du à l'abus de travail et d'alcool
Coyne quitte Virgin pour Cherry Red et sort quelques uns de ses meilleurs albums, "Pointing the Finger" et "Politicz".



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Au milieu des années 80, après une dépression nerveuse et une lutte sans merci contre l’alcool, Kevin Coyne quittera l'Angleterre pour mettre le cap sur l’Allemagne
En 1985, Coyne divorce, s'installe à Nuremberg, et reforme un nouveau groupe, le "Paradise Band" formé de musiciens allemands. 
Les premiers albums décevants et l'abscence de distribution hors d'Allemagne l'effacent pour un temps définitivement de la carte musicale. 
Depuis 1992 et l'arrivée à ses côtés de ses deux fils, Robert et Eugene, tous deux musiciens, les albums redeviennent passionants : 
"The Adventures Of Crazy Frank", "Tough and Sweet", "Knocking on your brain" (avec Gary Lucas, musicien de Captain Beefheart
Jeff Buckley, Joan Osborne, Nick Cave, Lou Reed ou Leonard Bernstein) mais surtout, en 1999, "Sugar Candy Taxi
suivi de "Room Full of Fools" . Le talent unique d'improvisateur de Kevin Coyne se déploie aussi bien sur scène qu'en studio : 
il enregistra les vingt titres de "Knocking on your brain" en trois jours ! John Peel, Sting ou Johnny Rotten, Vic Chestnut, John Langford des Mekons, Mark Smith de The Fall, 
Jeff Lewis et bien d'autres sont fans de Kevin Coyne. Paralèlement, Coyne continue sa carrière de peintre, exposant régulièrement, 
et d'écrivain (cinq livres déjà publiés dont les excellents recueils de nouvelles "Showbusiness" et « Party Dress ». 
Kevin Coyne enregistre maintenant chez Ruf Records . En 2002, il a enregistré avec Brendan Croker, le compère de Mark Knopfler
un extraordinaire album acoustique "Life Is Almost Wonderful", sous forme d'une édition limitée. 
Son dernier album, "Carnival" est sorti en 2002. Coyne continue à tourner intensivement. Il a même retrouvé ses vieux camarades de Siren 
pour une mémorable "Dandelion Reunion". Il est probable qu'il continuera jusqu'à la fin… Les légendes ont la vie dure. 
Jusqu’au bout, il se tiendra debout malgré une maladie des poumons qui finira par l’emporter. 
Il faut lire ce témoignage qui met en scène un Kevin Coyne, presque à bout de forces, obligé de chanter sous assistance respiratoire, 
quelques mois seulement avant sa mort. Pas forcément bien écrit, mais un précieux compte-rendu.




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Voilà… Je ne sais plus trop pour quelle raison j’ai repensé à Kevin Coyne il y a quelques jours, 
retrouvé ses vieux albums, sa voix éraillée, sa guitare mal accordée, sa proximité douloureuse. Aucune tentation nostalgique de ma part : 
cette musique n’a pas pris une ride, elle pourrait avoir été enregistrée hier. On voudrait tant, aussi, qu’elle puisse voir le jour demain
Le jeu de mots est facile, trop facile peut-être mais pourtant il s’impose : 
en cette époque si grise qui voit émerger le grondement des peuples pris en tenaille entre la cupidité et le cynisme d’une minorité, 
celle des néo-dictateurs de la finance mondiale, on voudrait qu’une voix irradiée se fasse entendre, qu’un POING se lève
Tiens, on voudrait dire : vas-y Kevin, Cogne, Cogne, Cogne ! Tu nous manques. Reviens !



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