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                                                                    «Leonard Cohen chantait pour tous ceux qui essuient leurs larmes»



Lewis Furey est un compositeur, réalisateur, acteur et scénariste qui a coécrit en 1985 une comédie musicale 
avec Leonard Cohen, devenue le film «Magic Night». Autre anglophone de Montréal, 
il raconte l’homme qu’il connaissait depuis 40 ans




OBIT Leonard Cohen 20161111



Lewis Furey: On s’attendait tous à cela. Leonard l’avait dit, il était sur le seuil de la mort et il était serein
On était heureux qu’il soit entouré par sa famille dans sa maison de Los Angeles 
et qu’il soit capable de travailler jusqu’au bout. J’avais 18 ans quand je l’ai rencontré. Il était déjà considéré comme le poète anglophone de Montréal. 
Moi, j’étais un jeune poète qui fuyait la musique et n’envisageait que l’écriture. 
Je l’ai appelé avec un courage d’adolescent. Je lui ai demandé s’il acceptait de regarder mes poèmes et il m’a accueilli. 
Ensuite, on s’est beaucoup vu à Montréal, à New York, en Grèce, à Los Angeles. 
Depuis quelques années, il était la plupart du temps retiré en Californie.




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A l’époque, il y avait très peu de poètes anglophones qui décrivaient nos rues, nos parcs, 
qui décrivaient la vie de Montréal dans notre première langue. 
Il était d’une génération à peine plus âgée que moi et il me semblait qu’il traitait enfin de ma réalité
Sainte-Catherine, l’Université McGill, les coffee shops. Il mettait en poésie tout ce qu’on pouvait vivre; 
notamment la révolution culturelle, ou la tension entre les communautés dans ses premiers romans, 
avant même qu’il ne devienne l’auteur-compositeur que l’on connaissait. 
Pour ma génération qui se cherchait une identité, c’était précieux. Il n’opposait pas les anglophones et les francophones, 
il nous enseignait à intégrer les deux cultures. C’est ce que nous avons tous essayé de faire après lui.




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J’ai tellement de souvenirs avec lui, il a été si important dans ma vie. J’étais jeune, j’étais fauché 
et je refusais que mes parents me donnent de l’argent; il m’a acheté une vieille machine à écrire pour que je puisse travailler mes poèmes. 
Avec d’autres jeunes poètes, nous allions chez lui une fois par semaine pour prendre le thé. 
Chacun amenait un texte, selon les contraintes formelles que Leonard nous imposait. Il raffolait des sonnets
Il passait donc commande pour la semaine suivante d’une forme particulière. 
C’était très stimulant de parler poésie ou littérature avec lui. C’était vivant
C’était une pratique quotidienne, de la même manière qu’il pratiquait la méditation
Jusqu’à la fin, il avait ces cahiers où il retouchait cent fois ce qu’il voulait dire. Il avait une précision incroyable, 
liée à une discipline et une joie qui le portaient. Son œuvre n’est pas seulement née du talent ou de l’intelligence, 
mais d’une capacité de concentration et d’un plaisir né du travail.



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Oh oui. Nous étions sur son île grecque, à Hydra, et nous avons décidé de travailler sur une comédie musicale 
qui est devenu le film «Night Magic», présenté à Cannes en 1985. Nous avons co-écrit les textes. 
Il y avait chez lui une jubilation et un grand humour. Son humour est évident quand on lit ses interviews. 
On le perçoit même dans ses chansons les plus noires, celles qui traitent des problèmes politiques et sociaux. 
La satire n’est jamais loin. Il parvenait ainsi à prendre distance avec un monde qui lui déplaisait. 
Il y avait toujours chez lui une critique distancée, qui ouvrait sur la possibilité d’un retournement. 
Ses textes disent : le monde est affreux mais cela pourrait changer. La légèreté lui permettait de survivre
il était d’une très grande sensibilité et il lui fallait se protéger du réel.




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Notamment la continuité. Cette constance. Le désir de continuer et de se surpasser. Il n’a jamais arrêté d’écrire depuis son adolescence. 
A l’instant où je vous parle, je revois ces petits cahiers si raturés qu’ils en devenaient illisibles. 
Il souhaitait que le couplet suivant soit toujours meilleur. 
Je me rappelle de pages entières couvertes des mêmes quatre vers, retravaillés sans cesse. 
Tout à coup, il trouvait un mot qui changeait l’approche entière. 
Quand il affirmait qu’une chanson pouvait lui réclamer trois ans d’écriture, c’était vrai. Je l’ai vu. 
Il y revenait, avec une humilité folle. Il se disait ouvrier de la chanson, «worker in song , comme dans «Chelsea Hotel».




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( Billet dédié à Pascal P. celui qui entend Léonard Cohen....Partout ... )

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